Destanne de Bernis ne s’est pas fait connaître par ses travaux en histoire de la pensée économique. Ses travaux, ses publications, ses interventions dans l’espace public, en France comme dans le vaste monde soulignent combien, pour lui, il n’y a d’économie que politique. Il n’est pas surprenant, le contraire l’eut été, que son intérêt premier ait été le développement, celui des hommes comme celui des nations. Cela ne signifie nullement qu’il ait ignoré l’importance des théories économiques, mais celles-ci ne prenaient sens que si elles étaient articulées aux pratiques induites par les rapports économiques et sociaux.
L’article qu’il publia en 1991 dans le numéro 17 de la Revista Económica de Catalunya, « El Pensament económic al anys 90 » (« L’Évolution de la pensée économique dans les années 90 ») en est une parfaite illustration. Il ne fait pas une revue de détail des diverses théories économiques, il fait état des principales questions auxquelles les économistes se doivent de répondre en cette fin de siècle marqué par les crises. Il ne s’agit pas de constater l’évolution, mais d’indiquer dans quel sens doit évoluer la pensée économique : l’« élaboration d’un programme [d’investissement massif à l’échelle de “l’Humanité”, telle] est la tâche fondamentale des économistes dans les dix prochaines années. » Vingt ans après aucun programme de cette nature n’a émergé. Tout reste à faire.
Somme toute, avec le Professeur de Bernis on est face à un économiste de l’Université qui n’entend pas se limiter à interpréter le monde mais veut contribuer à le changer.
Si la série PE, Histoire de la pensée économique existe c’est à lui qu’elle le doit. Destanne de Bernis, à la demande de François Perroux, accéda à la Présidence de l’ISMEA en 1982. Une de ses premières tâches fut de relancer et dynamiser les revues de l’Institut, Économie appliquée et Économies et Sociétés. Cinq nouvelles séries de cette seconde revue furent alors créées. Il demanda à Hubert Brochier, qu’il avait connu à l’Université de Grenoble et qui, ensuite, assura un séminaire d’épistémologie en économie à l’Université de Paris, de prendre la direction de la série. Le premier numéro, ŒCONOMIA, Histoire de la pensée économique, parut en 1984. Depuis la revue n’a cessé d’être l’ouverture au pluralisme des idées, dans les divers paradigmes, pourvu que l’analyse soit solidement argumentée, a été maintenue.